Et s’il était possible de faire fortune en vous faisant volontairement censurer ? Vous me diriez que je suis fou ? Et bien pourtant cela peut être une stratégie marketing redoutable !
Mais comment ?
Aujourd’hui je vais vous faire découvrir une faille de l’esprit humain, plus précisément un mécanisme psychologique intriguant très souvent utilisé en marketing pour générer aussi bien un fort élan de visibilité qu’un fort désir d’achat.
Bien que certaines de ces stratégies soient un peu borderlines, les leviers psychologiques mis en jeu sont véritablement puissants et aujourd’hui je vais t’apprendre comment tu peux les appliquer dans ton business mais également comment t’en prémunir en tant que consommateur. Mais avant de rentrer dans le vif du sujet, remettons un petit peu les choses dans leur contexte.
L’effet Streisand
En 2003 un photographe du nom de Kenneth Adelman réalise une série de photos sur l’érosion du littoral. Parmi les nombreux clichés qu’il réalise et publie sur son site pictopia.com, une photo ne plaît particulièrement pas à la chanteuse “Barbara Streisand” car on y aperçoit sa maison en vue aérienne.
Cette dernière s’empresse alors de poursuivre l’auteur et le site en justice pour empêcher la propagation du cliché. La publication de la procédure n’aura pas l’effet escompté puisque le cliché ne disparaîtra pas mais au contraire deviendra véritablement viral, le site obtenant plus de 420 000 visites le mois suivant.
Cette photo n’a rien de particulier, elle serait passée totalement inaperçue si on avait pas essayé de la faire censurer. Et c’est cette volonté de censure qui a rendu ce cliché étonnement célèbre.
Barbara donna même son nom à l’effet qui nous intéresse ici, l’effet Streisand, phénomène médiatique durant lequel la volonté de censurer une information déclenche au contraire une propagation virale de cette dernière.
Cet effet à beau être très courant, il est étonnant de voir que de nombreuses entreprises, célébrités ou politiciens se font avoir par leur propre volonté de censure. En voici quelques exemples :
En 2012 Anne Hidalgo à l’époque première adjointe au maire de paris, met en demeure Twitter de supprimer une série de tweets relayant la rumeur d’une prétendue liaison avec l’ancien président de la république François Hollande. Dans les heures qui suivent, Europe 1, Voici, et Métro France partagent déjà l’info qui fait un tollé médiatique.
En 2013, l’agence France presse tente de faire retirer une photographie peu avantageuse de François Hollande. Cette action déclenche un sentiment de méfiance de la part de certains internautes qui partagent alors le cliché massivement au point ou il en devient un meme.
Exemple encore plus extrême, en 2015 l’attentat de Charlie Hebdo qui avait pour intention de faire disparaître le journal n’a fait que le rendre mondialement connu ce qui provoqua un record historique de ventes avec un tirage de 5 millions d’exemplaires de l’édition suivante.
On pourrait encore parler de Wikipédia, l’affaire Dieudonné, WikiLeaks et j’en passe Il y a des centaines d’autres exemples de cet effet dans l’histoire.
Mais en réalité, ce qui nous intéresse ici c’est que l’effet Streisand se base sur un phénomène psychologique bien plus profond : la réactance.
La réactance : un mécanisme psychologique puissant
En psychologie sociale, la réactance, observée par jack Brehm en 1966 est un phénomène de défense psychologique qu’un individu met en place pour préserver sa liberté d’action lorsqu’il la croit menacée ou ôtée, caractérisée par une réaction de résistance voire de rébellion.
La réactance survient de manière plus ou moins consciente lorsque cet individu ressent ou à l’impression (de manière fondée ou non) que quelqu’un ou quelque chose limite ses choix, sa liberté d’action ou d’expression. Ce sentiment peut être provoqué autant par une règle ou une loi que par une offre (ce qui nous intéressera un peu plus loin).
Le truc assez fou avec la réactance c’est qu’elle a tendance à pousser les gens à adopter des comportements ou croyances diamétralement opposés à la chose qui en est à l’origine.
Par exemple, une campagne de vaccination intensive ou obligatoire contre un virus fera que la population se sentira privée de sa liberté de choisir et s’opposera au vaccin de toutes les manières possibles et souvent de manière irrationnelle.
Encore plus fou, elle essayera de justifier ses choix, ses opinions et ses actes irrationnels par des arguments rationnels, au nom de la liberté, de la justice ou d’autres grands principes. Et dans le cas du vaccin en imaginant diverses théories du complot par exemple.
Selon les chercheurs en psychologie la réactance est généralement proportionnelle à la privation qui en est à l’origine. Plus la répression est forte, plus la réactance sera importante.
La réactance est également plus prononcée à l’adolescence, moment de la vie ou notre personnalité se développe, ou l’on cherche à faire valoir nos propres opinions, nos propres droits et notre propre façon de penser. C’est pour cette raison que si on interdit à un adolescent de fumer il s’empressera de le faire, si on l’interdit de sortir, il fera le mur en douce.
C’est cette réactance qui est à l’origine de l’effet Streisand vu plus tôt : la censure sonne comme une volonté d’un système puissant d’oppresser quelqu’un en le privant de sa liberté d’expression. Aussi tôt on essaye de censurer quelqu’un, aussi tôt un mouvement d’opposition se crée pour contrer cette censure.
La réactance peut être bénéfique dans de nombreux cas, comme dans l’exemple de Charlie Hebdo ou en opposition avec un régime oppressif ou autoritaire comme une dictature.
Mais elle peut aussi pousser à des conduites dangereuses ou irresponsables dans bien d’autres situations.
Je pense par exemple à certains américains qui en protestation contre certaines lois écologique ou même à l’encontre de personnes à vélo ou au volant de véhicules hybrides pratiquent ce que l’on nomme le “rolling coal” littéralement charbon roulant désignant le fait de modifier un véhicule diésel afin d’émettre une épaisse fumée noire polluant l’environnement et consommant beaucoup plus.
Tout cela au nom de la liberté américaine et pour lutter contre le mouvement écologique.
C’est ce qu’on a beaucoup observé durant la pandémie de Covid, entre théorie du complot et vagues de protestations.
Mais loin de moi la volonté d’être moralisateur car ce qui nous intéresse ici c’est le marketing.
Vous vous en doutez mais lorsqu’il y a biais cognitif ou phénomène psychologique il y a souvent l’opportunité de vendre et de persuader.
En effet, la réactance est un outil redoutable pour quiconque souhaite vendre et elle est d’ailleurs souvent utilisée à cette fin et de plein de manières.
Mais comment l’utiliser pour faire saliver votre prospect devant votre offre ?
Et bien c’est ce qu’on va voir de suite.
La réactance pour vendre
Notre tendance naturelle lorsqu’on cherche à vendre quelque chose, que ce soit un produit ou un service c’est de vouloir rendre notre offre la plus adaptée possible, la plus personnalisée possible.
On a tendance à vouloir faire en sorte que notre prospect soit entièrement libre et qu’il ait le plus d’options possibles. Et puis comme dit le dicton “le client est roi”.
En soi c’est une bonne chose. Un des piliers de la vente c’est que votre offre doit s’adapter à la demande et aux besoins de votre client.
Si vous essayez de vendre un produit qui ne résout pas le problème de votre prospect, il n’achètera pas votre produit c’est aussi simple que ça.
MAIS, une étape majeure de la vente est le passage à l’action. Vous devez faire en sorte que votre prospect prenne la décision d’acheter votre produit. Et pour cela vous devez motiver votre prospect à toutes les étapes du processus de vente et en particulier au moment du passage à l’action.
Et à cette étape précise donner le plus de liberté possible à votre prospect n’est peut-être pas la meilleure chose à faire.
Mais alors que faut-il faire ?
Créer le désir
Comme on l’a vu plus tôt, la réactance survient dans toute situation où il y a une limitation des choix, ou une privation partielle ou totale de liberté.
En 1975 les chercheurs Stephen Worchel, Jerry Lee et Akanbi Adewole, ont montré dans une expérience que les sujets désirent davantage un produit lorsque celui-ci est peu disponible mais également que le consommateur surestime la valeur d’un produit lorsqu’il est peu abondant.
C’est ce qu’on appelle communément l’effet de rareté. Une limitation de la liberté d’acheter un produit le rend plus désirable et sa valeur perçue est alors augmentée.
Mais alors est-ce que ça veut dire qu’il faut s’empêcher de vendre pour vendre ?
C’est assez contre-intuitif de se dire qu’il est possible de vendre plus en limitant volontairement le nombre de produits disponibles à la vente. Mais pourtant de nombreuses marques de luxe jouent sur ce principe en rendant leurs produits très difficile à obtenir ce qui fait qu’on les désire beaucoup plus.
En réalité, il n’est pas nécessaire de rendre son produit rarissime et impossible à acheter. Mais simplement de simuler cette rareté en augmentant par exemple les délais d’attente comme le fait Rolex en rendant certains modèles longs et difficiles à acquérir.
Mais ce n’est pas pour autant qu’ils n’ont pas assez de montres pour tout le monde, ils en donnent simplement l’impression tout en les vendant beaucoup plus cher.
Positionner la disponibilité de votre offre juste en dessous du volume de la demande aura pour effet de faire croître fortement cette demande. Vous pourrez donc vendre bien plus cher et à bien plus de monde.
Ici la réactance prend tout son sens, limitez volontairement cette liberté d’achat et votre prospect éprouvera un fort désir de reprendre cette liberté coûte que coûte.
Mais qu’en est-il du passage à l’action dont on parlait plus tôt ?
Comme je le disais juste avant, répondre aux besoins et problèmes de votre marché est indispensable pour que votre produit se vende.
Mais, lors du passage à l’action, c’est-à-dire le moment où votre prospect va prendre la décision de rentrer son numéro de carte bancaire dans votre page d’achat, lui donner trop de liberté n’est pas la bonne chose à faire.
Lorsque votre prospect arrive sur votre page de vente, face au bouton “acheter” un choix s’offre à lui : acheter votre produit ou ne pas l’acheter.
A ce moment précis vous devez vous poser une question : Qu’est-ce qui peut faire pencher la balance du bon côté ?
Créer l’urgence
L’avant dernière étape avant l’achat est l’étape d’évaluation. A cette étape votre prospect se demande si oui ou non il va décider d’acheter votre produit.
A cette étape, notre tendance naturelle et bienveillante à mettre nos prospect aux petits oignons voudrait qu’on leur donne tout le temps pour réfléchir et toutes les options possibles pour qu’ils se sentent à l’aise.
En réalité c’est tout l’inverse qu’il faut faire.
Vous devez créer un inconfort, un sentiment d’urgence. Vous devez court-circuiter la partie rationnelle du cerveau de votre prospect et l’inciter à prendre la bonne décision, celle d’acheter votre produit !
Il y a trois moyens de pousser le passage à l’achat grâce à la réactance : la menace de la privation, de la pénurie ou de l’interdiction. Nous avons vu la pénurie juste avant. Mais qu’en est-il de la privation ?
Il existe une technique en marketing que l’on nomme la Scarcity. La Scarcity c’est le fait de volontairement créer chez votre prospect la peur que l’opportunité d’acheter votre produit disparaisse. Cette peur de privation génère une réactance. Votre prospect voudra votre produit. Il se dira que s’il ne le fait pas maintenant, il sera trop tard.
Cette stratégie fait appel à un autre biais cognitif : l’aversion à la perte. L’aversion à la perte montre que nous accordons beaucoup plus d’importance à une perte qu’à un gain équivalent.
Le psychologue Daniel Kahneman à l’origine de cette découverte nous explique que la douleur de perdre quelque chose est deux fois plus puissante que le plaisir d’obtenir cette chose.
Donc, plutôt que de mettre en avant le plaisir d’acheter votre produit, jouez sur la peur de perdre l’opportunité d’en profiter.
Pour créer une Scarcity vous pouvez :
- Mettre en avant un faible nombre d’exemplaires restants en stock ou un faible nombre de places restantes pour un programme, un service ou un événement
- Créer une réduction limitée dans le temps avec un compte à rebours
- Ne donner accès à votre produit que pendant une période limitée (très puissant pour les infoproduits) ou en créant des offres saisonnières
- Mettre en place un compte à rebours à partir duquel le produit sera expédié un jour plus tard
- Créer un produit en édition limitée
- Montrer un compteur du nombre de personnes qui consultent une page produit
Mais attention à ne pas en abuser et à mettre en place ces techniques au bon moment. Trop de pression fera fuir votre prospect, pas assez et vous ne le retiendrai pas non plus. Le mieux est de tester ce qui fonctionne dans votre cas de figure.
N’essayez pas d’utiliser à tout pris ces techniques même quand elles n’ont rien à faire à un certain endroit. Je vois beaucoup de pages de ventes qui exécutent des stratégies marketing de manière très maladroite. En faisant ça vous risquez juste de détruire votre crédibilité donc attention à comment vous faites les choses.
Mais vous vous souvenez, en début de vidéo, j’ai posé une question assez intrigante :
Est s’il était possible de faire fortune en vous faisant volontairement censurer ?
C’est ici un autre moyen d’exploiter la réactance en marketing.
La réactance pour vous faire connaître
Les leviers traditionnels en marketing pour gagner en visibilité sont généralement la publicité, le référencement organique, l’interaction, la création de contenu.
J’utilise moi-même ces stratégies mais elles sont soit coûteuses en temps soit en argent ?
Et si la réactance pouvait être un levier puissant pour gagner une visibilité massive sans avoir à dépenser des sommes folles en ads ou un temps monstrueux en création de contenu ?
Créer un effet Streisand artificiel
Un bon moyen d’obtenir une publicité gratuite est de provoquer un effet streisand. Pour ça il y a deux options :
La première, un peu dangereuse si elle est mal exécutée, c’est d’adopter un discours, un branding ou de créer un produit un peu borderline afin de susciter de vives réactions émotionnelles.
D’un côté il y aura vos opposants et détracteurs qui essayeront de nuire à votre travail voir à le faire interdire.
Mais cela aura pour conséquence de renforcer le lien créé avec votre public qui prendra votre défense et achètera votre produit.
L’humoriste Dieudonné en est un très bon exemple. En adoptant un humour noir, provocateur et très limite il n’a fait qu’atirer les foudres de certaines communautés et de certains politiques qui ont essayé par tous les moyens de le réduire au silence. Mais toutes ces tentatives de censure lui ont fait une publicité massive pendant des années et ça, Dieudonné l’avait bien compris ce pourquoi il en a joué pendant des années, devenant ainsi le plus grand humoriste français en matière de ventes.
Seulement, cette stratégie est dangereuse. Attaquez-vous à un ennemi plus puissant que vous et il risquera de gagner la bataille.
Petit conseil au passage, ne soyez jamais affecté négativement face à une vague de haine. C’est plus facile à dire qu’à faire mais la réalité c’est que, sans aller jusqu’à l’extrême, plus vous serez détesté par certains plus vous serez adulé par d’autres.
Sachez que les opinions sont d’une grande diversité. Et quand des haters émettent une critique sur vous ou votre marque sur un forum par exemple, il y aura toujours des gens qui seront en désaccord avec ces critiques. Donc un petit conseil, laissez-les faire. Même, donnez leur de quoi se régaler : des informations piquantes, du malaise, des affirmations franches ou décalées, toute chose pouvant susciter de vives réactions émotionnelles. Mais calculez toujours votre coup car une mauvaise manœuvre et ceux qui prenaient votre défense pourraient changer d’avis.
Certaines (rares) marques de compléments alimentaires surfent aussi sur la censure par le biais de la menace de l’interdiction en utilisant des vides juridiques sur certaines substances dopantes pas encore interdites pour vendre plus de produits.
On peut aussi prendre l’exemple du pré-workout TF7 Poison, rien que le nom n’est pas choisi au hasard, un complément alimentaire à prendre avant une séance de musculation pour booster les performances qui contenait une substance l’higénamine, un puissant stimulant appartenant à une famille de substances considérées commes dopantes par l’agence mondiale antidopage mais interdite qu’à partir de 2016. La présance de cet ingrédient n’a fait que donner envie aux consommateurs de braver l’interdit jusqu’à ce que la version originale de ce produit soit retirée de la vente.
L’objectif de ce type de stratégie est d’amener votre cible à adopter un comportement de transgression. Pour ce faire, on essaie de restreindre la liberté du prospect soit par des contraintes internes, mise en places par nous même, soit par des contraintes externes, mises en place par des tiers.
La deuxième option pour créer un effet Streisand est de provoquer une fausse fuite de votre produit ou d’une information soi-disant classifiée vous concernant vous ou votre produit (comme par exemple le plan ou un prototype d’un futur produit attendu). Une fois l’information diffusée, donnez un coup de pied dans la fourmilière en essayant de la faire censurer. Si vous vous y prenez bien, l’information deviendra virale très rapidement et vous obtiendrez une publicité massive car le public n’acceptera pas que cette information soit cachée.
C’est une stratégie que beaucoup d’éditeurs de logiciels adoptent notamment en diffusant eux mêmes des versions crackées de leur produit permettant à leur marque de se répandre, aux utilisateurs les plus jeunes n’ayant pas les moyens d’acheter le produit d’apprendre à s’en servir et d’y devenir familier afin qu’un jour ils finissent par acheter une license.
Vous ne voyez pas la réactance là dedans ? Je vais vous rafraîchir la mémoire. Que s’est-il passé lorsque les états ont essayé de mettre en place les lois HADOPI, SOPA et j’en passe ?
On a entendu partout le même discours sur internet encore et encore selon lequel le web est un monde libre où tout est partagé librement et gratuitement, qu’il est inacceptable de mettre en place des lois pour contrôler internet. Pourtant ces lois sont là pour empêcher le piratage, le vol, le non-respect des droits d’auteurs des choses qui d’un point de vue rationnel et éthique ne sont pas très cool non ? La réactance dans toute sa splendeur.
En bref,
Toute stratégie basée sur la réactance peut se résumer deux petites phrases :
Si on contraint quelqu’un à aller dans une direction, il aura pour réflexe d’aller dans la direction opposée. Alors faites que cette direction opposée soit l’achat de votre produit.
c’est à vous de jouer !
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